Julien de Sanary, poète et forçat en Nouvelle-Calédonie

Publié le 6 décembre 2023
Marius Julien naît à Sanary le 16 avril 1859. Poète, bagnard et exilé, son destin est exceptionnel. A compter de l'âge de 22 ans, il est condamné aux travaux forcés à perpétuité.

Orphelin à 14 ans, Marius Julien se retrouve rapidement livré à lui-même. Ses frères, également sans ressources, quittent Sanary pour Toulon. L’aîné décède à 45 ans seulement et le cadet, qui fréquente des réseaux de malfrats, est condamné plusieurs fois. Ancré dans un quotidien d’insécurité, Marius Julien ne connaît rien d’autre que la violence, la fuite et la survie. Il est condamné une première fois à 19 ans pour avoir commis deux vols. Incarcéré à la prison de Toulon, il retrouve la liberté au début de l’année 1879. Il est cependant de nouveau arrêté fin juillet et soupçonné d’être à la tête d’une bande d’agresseurs sévissant de nuit à Toulon, c’est d’ailleurs un chef d’accusation qu’il revendique avec cynisme lors de son arrestation. A cette issue, il est emprisonné 2 années supplémentaires.

Cette nouvelle incarcération le pousse à commettre l’irréparable : le 1″ novembre 1879 il agresse un gardien lors de sa détention. Considéré comme un multirécidiviste dangereux, Marius Julien, qui devait retrouver la liberté, en 1881 voit sa sortie de prison repoussée à octobre 1889. Il est alors transféré à la maison centrale d’Aniane. Hors de Provence, le jeune homme se sent isolé et nourrit de nouveau une haine contre l’un de ses geôliers qu’il tente d’agresser mais une confusion l’amène à frapper un autre gardien contre lequel il n’avait rien. Cette énième agression le dessert considérablement: le 17 mai 1881, il est condamné aux travaux forcés pour le restant de ses jours.

La même année, il embarque pour la Nouvelle-Calédonie, pour le bagne la « Nouvelle ». Il passe une partie de son incarcération sur l’île de Nou. A partir de 1900, il est interné dans une cellule spéciale pour les détenus atteints de folie. Durant cette période, Marius écrit de très nombreux poèmes. Au bagne, il fait preuve d’une tenue exemplaire et en 1903 il est nommé gardien du phare de Nou. En 1907, sa peine est commuée en 15 années de travaux forcés, sa perpétuité est levée. Puis en 1913, il bénéficie d’une remise de peine de 5 ans, enfin le 14 juillet 1917 après 36 années de bagne, Marius Julien retrouve la liberté à une seule condition: rester sur l’île. Seul, il continue d’écrire et rencontre Wolla Meranda, une actrice, journaliste et nouvelliste australienne, avec qui il entretient une correspondance. Touchée par ses poèmes, elle tente en 1919, d’obtenir sa levée d’astreinte à résidence et la permission qu’il s’installe en Australie.

Le 10 janvier 1920, Raymond Poincaré l’autorise finalement à quitter la Nouvelle-Calédonie, Marius Julien arrive à Sydney quelques mois plus tard. Il rejoint Warragula avec sa bienfaitrice et décède quelques années plus tard le 22 février 1929 à Sunny Corner dans le New South Wales (Australie) à 69 ans. En 1931 , Wolla Meranda publie deux recueils de poésies écrits par « Julien de Sanary » chez W Brooks à Sydney.

Gwénael Murphy, Louis Lagarde, Eddy Banaré. Sous le ciel de l’exil. Autobiographie poétique de Marius Julien, forçat de Nouvelle-Calédonie (1859-1919), Presses universitaires de la Nouvelle Calédonie, Nouméa, 2020, 456 p. Presses universitaires de Nouvelle-Calédonie, pp.469 Pages, 2020.

Retrouvez cet article dans le Mieux Vivre n°291 d’octobre 2023.

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