Orphelin à 14 ans, Marius Julien de Sanary se retrouve rapidement livré à lui-même. Ses frères, eux aussi sans ressources, quittent Sanary pour Toulon. L’aîné décède à 45 ans, tandis que le cadet sombre dans la délinquance et fréquente des réseaux criminels. À plusieurs reprises, il est condamné.
Dans ce quotidien marqué par la violence, la fuite et la survie, Marius ne connaît rien d’autre. À 19 ans, il commet deux vols et la police l’arrête. Il est incarcéré à Toulon. Libéré début 1879, il retourne en prison fin juillet, cette fois pour avoir dirigé une bande d’agresseurs nocturnes à Toulon. Lors de son arrestation, il revendique fièrement ce rôle, ce qui mène à deux années supplémentaires de prison.
De la prison à l’agression
Cette nouvelle incarcération incite Marius Julien à commettre l’irréparable. Le 1er novembre 1879, il attaque un gardien. Considéré comme un multirécidiviste dangereux, Marius voit sa libération, prévue pour 1881, repoussée à octobre 1889. Il est transféré à la maison centrale d’Aniane. Là-bas, il se sent isolé et nourrit une nouvelle haine. Il tente d’agresser un autre geôlier, mais une confusion l’amène à frapper une victime innocente. Cette énième agression le conduit à une condamnation aux travaux forcés à perpétuité le 17 mai 1881.
Le bagne, entre ténèbres et lumière
La même année, il est envoyé en Nouvelle-Calédonie. Il y subit une incarcération difficile, en particulier sur l’île de Nou. Cependant, à partir de 1900, les autorités le placent dans une cellule spéciale pour les détenus atteints de troubles mentaux.
Malgré cela, Marius parvient à se réhabiliter. Il écrit de nombreux poèmes, ce qui témoigne d’une certaine évolution personnelle. En 1903, il obtient la responsabilité de surveiller le phare de Nou. Puis, en 1907, sa peine est réduite à 15 ans. En 1913, une remise de 5 ans lui est accordée.
Le 14 juillet 1917, après 36 années de bagne, Marius retrouve enfin la liberté, mais sous condition : il doit rester sur l’île.
Une rencontre inattendue
Isolé mais libre, Marius continue à écrire. Il entre en contact avec Wolla Meranda, une actrice et écrivaine australienne. Émue par ses poèmes, elle engage une correspondance avec lui. En 1919, elle plaide en faveur de sa levée d’astreinte et demande l’autorisation pour qu’il puisse s’installer en Australie.
Grâce à ses démarches, le président Raymond Poincaré autorise enfin son départ. Le 10 janvier 1920, Marius Julien quitte la Nouvelle-Calédonie. Il s’installe à Sydney puis à Warragula, aux côtés de sa bienfaitrice.
Un dernier souffle en liberté
Marius Julien décède le 22 février 1929 à Sunny Corner, dans le New South Wales, à l’âge de 69 ans. Deux ans plus tard, en 1931, Wolla Meranda publie deux recueils de ses poèmes à Sydney. Elle les signe sous le nom de « Julien de Sanary », afin de rendre hommage à ses origines.
Gwénael Murphy, Louis Lagarde, Eddy Banaré. Sous le ciel de l’exil. Autobiographie poétique de Marius Julien, forçat de Nouvelle-Calédonie (1859-1919), Presses universitaires de la Nouvelle Calédonie, Nouméa, 2020, 456 p. Presses universitaires de Nouvelle-Calédonie, pp.469 Pages, 2020.
Retrouvez l’article dédié dans le Mieux Vivre n°291 d’octobre 2023.


